Pâturage des intercultures hivernales par les ovins

25/01/2019

Informations

RwDR
Éleveurs d’ovins, cultivateurs, Socopro, CRA-W, RwDR
Agriculture, Alimentation, Biodiversité, Climat, Développement rural, Environnement, Gestion territoriale, Innovation
Biodiversité restaurée, préservée ou valorisée. (P4A), Compétitivité accrue des producteurs primaires: programmes de qualité, valeur ajoutée des produits agricoles, marchés locaux et circuits courts, organisation interprofessionnelle. (P3A), Développement exemplaire de coopération ou de base de connaissances partagée dans les zones rurales. (P1A), Performance économique, restructuration ou modernisation des exploitations agricoles, notamment en augmentant leur participation au marché et leur diversification agricole. (P2A), Renforcement des liens entre agriculture, production alimentaire ou sylviculture et la recherche - innovation. (P1B)
Collège des Producteurs, CRA-W, appuyés au titre de Groupe Opérationnel par le RwDR, et soutenu par le projet européen DiverImpacts.
  • Le pâturage des intercultures hivernales par les ovins représente une opportunité économique, agronomique et environnementale pour les éleveurs de moutons et les cultivateurs de grandes cultures. Il s’agit d’un partenariat gagnant-gagnant. 

    Le pâturage de ces couverts par les ovins est intéressant tant d’un point de vue agronomique qu’économique ou écologique, voire sociétal : les moutons détruisent le couvert sans impact négatif sur le sol et sa structure, tout en économisant un passage mécanisé. Ils restituent également de l’azote et d’autres éléments fertilisants, au contraire d’une fauche, et sous une forme plus rapidement assimilable par la culture suivante.

    Du côté des moutons, le pâturage des couverts se traduit par des performances zootechniques élevées : les couverts répondent largement aux besoins des animaux tant à l’entretien qu’en gestation et en lactation. Même l’engraissement des agneaux peut s’envisager sur ces surfaces. Au niveau sanitaire, pas de problème de parasitisme : les moutons pâturent des parcelles saines. Et l’image de moutons pâturant des parcelles de grandes cultures a un effet positif indéniable sur l’image de l’agriculture chez le citoyen. 

     

  • Au-delà̀ du rôle règlementaire de piège à nitrate qui leur est confié afin de réduire le lessivage de l’azote (préservation des ressources en eau), les couverts végétaux ont plusieurs fonctions agronomiques et écologiques. Des réflexions sur les possibilités de valorisation de ces cultures de couverture par le pâturage ovin ont émergé à la suite de contacts et de visites effectuées en France par des agriculteurs wallons. 

     

    Sur base de ces réflexions, un projet de pâturage des intercultures hivernales par les moutons a été initié par le Collège des Producteurs. Ce projet vise à créer/élargir des partenariats entre cultivateurs et éleveurs, afin de valoriser les intercultures hivernales par le pâturage des moutons. La pratique est un cas d’étude du projet Horizon 2020 DiverImpacts (https://www.diverimpacts.net/case-studies/case-study-4-be.html), qui a pour but de promouvoir la diversification des cultures au sein de l’Union Européenne. Ce projet a pour partenaires wallons le Collège des Producteurs et le CRA-W - Centre de Recherche Agronomique wallon. Il est appuyé par le Réseau wallon de Développement Rural dans son implémentation.

     

    Recréer du lien entre l’élevage et les grandes cultures est une préoccupation agro-écologique actuelle. Dans ce contexte, le pâturage des intercultures hivernales par les ovins est une pratique innovante, et le RwDR la soutient sous forme de Groupe Opérationnel, avec un travail direct avec les éleveurs et cultivateurs qui sont les chevilles ouvrières du projet. C’est avec eux, et avec l’ensemble des partenaires, que sont évalués les aspects positifs, négatifs, les problèmes, les problématiques rencontrées, que celles-ci se situent au niveau technique au niveau social ou au niveau économique. 

     

  • Mise en réseau et accompagnement technique de tandems de cultivateurs, qui souhaitent mettre en place des intercultures avant l’hiver, et d’éleveurs d’ovins, qui vont faire venir pâturer leurs moutons sur ces intercultures. Organisation de tests de mélanges de couverts et suivi.

  • Si on se place du point de vue de l’éleveur, le principal avantage, c’est qu’il dispose d’une ration alimentaire à moindre coût, car la ration pâturée reste la ration la plus économique. La période renforce encore ce constat : entre fin septembre et décembre, si les moutons ne sont pas à l’extérieur, ils sont à l’intérieur en bergerie, et la ration coûte beaucoup plus cher qu’une ration pâturée. Nicolas Marchal, éleveur à Faimes explique « Tout d’abord c’est une alternative au Glyphosate : je ne pense pas que le mouton va solutionner la fin du Glyphosate, mais ça peut être une des alternatives. En tant qu’éleveur, les avantages sont multiples : par exemple, on vient de subir une sécheresse en 2017 et en 2018, et on se retrouve avec des brebis que l’on a envie de rentrer au mois de septembre, et pas de fourrages en stock pour les mettre. Là, le pâturage des intercultures arrive bien à point. »

     

    Au niveau santé animale, ce pâturage est également très positif : il n’y pas de problèmes de parasitismes, car les animaux pâturent à chaque fois des parcelles propres.

     

    Si on se place du côté du cultivateur, les premiers avantages sont agronomiques, relatifs aux couverts : avec tous les avantages d’avoir des couverts diversifiés pour leurs sols, plutôt qu’un couvert purement législatif. Le couvert est plus diversifié, avec des racines qui travaillent en profondeur de manière différente au niveau du sol. Quand le mouton vient pâturer le couvert, il provoque une certaine destruction du couvert, et, surtout, il transforme la biomasse en matière organique, qui sera directement accessible pour la culture suivante.

     

    Antoine Mabille, éleveur à Buzet développe « L’agriculteur qui met sa terre à disposition n’aura pas de broyage à effectuer, parce que c’est le mouton qui va ramasser les herbes et tout ce qui va être mis en surface. Et en plus de ça, sa matière végétale va être transformée en matière organique par les déjections du mouton. »

     

    Une étude a été réalisée en collaboration avec les agriculteurs, la  SoCoPro et le CRA-W afin de caractériser l’impact de la valorisation des cultures de couverture par les ovins sur la fertilité du sol. Les premiers résultats soulignent l’intérêt et la pertinence de cette pratique pour réduire le compactage profond du sol et améliorer l’homogénéité du sol sans incidence sur la biodisponibilité des éléments nutritifs pour la culture suivante. Néanmoins, plusieurs questions subsistent entre éleveurs ovins et producteurs de cultures de rapport concernant l'intérêt agro-économique pour les producteurs de cultures commerciales, les performances économiques pour les éleveurs ovins liées à la composition de la culture de couverture, le potentiel de réduction du travail du sol, les performances environnementales et la définition du contrat entre cultivateur et éleveur

     

    Caspule vidéo sur le projet disponible à cette adresse : https://youtu.be/qBHa-_95ro8

  • L’aspect innovant de la technique réside avant tout dans l’établissement de partenariats territoriaux Win Win entre éleveurs ovins et cultivateurs, deux catégories d’agriculteurs qui vivent dans des mondes déconnectés.  L’innovation constitue une piste de diversification territoriale menant à une revalorisation des systèmes de polyculture-élevage.

  • Selon Antoine Mabille, l’un des premiers freins sera : « Le volume de moutons. Convaincre les agriculteurs c’est bien, mais il va aussi falloir avoir les moutons à l’avenant pour savoir suivre, à manger des surfaces sur peu de temps. Personnellement, je commence les pâturages du 15 octobre jusqu’au 1er ou 15 décembre, en fonction des températures et de la météo. Et donc, ça laisse deux mois pour pouvoir manger des grandes surfaces. Et les 6 où 8 autres mois de l’année, où les bêtes sont en prairies, il faut aussi avoir les surfaces pour pouvoir les tenir. »

     

    Nicolas Marchal abonde dans son sens : « Il faut quand même se méfier de ne pas non plus prendre trop de couverts pour ne pas savoir les suivre. Mais au final, on voit qu’on peut aussi spéculer sur la vente des réformes, parfois les prix ne suivent pas : on a des couverts, autant les garder et pouvoir les reporter un peu plus tard, et les vendre au bon moment. »

     

  • Le projet bénéficie du soutien financier du projet H2020 DiverImpacts. 

    Le RwDR a, pour sa part, financé une étude (7.800 € HTVA), réalisée par l’ULiège Gbx ABT qui visait à définir les problèmes rencontrés par les cultivateurs et les éleveurs dans le cadre de la conduite de ce type de partenariat. L’étude a également permis d’identifier les leviers potentiels permettant de l’améliorer. Elle s’est attachée à faire émerger une vision partagée par les différents acteurs.

     

  • En 2018, l'étude de cas s'est attachée à démontrer aux agriculteurs que cette pratique existe et est réalisable, et à identifier les nombreuses questions que cette pratique soulève. Le producteur de grandes cultures a observé, par exemple, que les moutons sont en mesure de remplacer la destruction des cultures de couverture mécanique ou chimique. De même, l'éleveur de moutons a observé qu'il est facile de contenir les moutons jusqu'à la culture de couverture. Trois démonstrations de cette pratique ont donc été réalisées lors de grandes manifestations agricoles wallonnes et une journée thématique a eu lieu en 2018. Ces activités ont sensibilisé des centaines de personnes et enrichi l'étude de cas avec trois nouveaux partenariats.

     

    Il existe de nombreuses autres interactions possibles entre les moutons et les cultures de couverture. Dans les mois à venir, l’étude de cas se concentrera sur la clarification d’un ensemble d’interactions agronomiques, économiques et environnementales en interrogeant les agriculteurs, suivie de l’étude de cas mais également par le biais d’essais sur le terrain. 

     

    La pratique du pâturage des intercultures hivernales par les ovins mérite aujourd’hui d’être promue et développée en Wallonie via, notamment, l’accompagnement des éleveurs et cultivateurs dans la recherche, et la co-construction de schémas d’articulation territoriale gagnants-gagnants (prise en compte des intérêts économiques et agronomiques de chaque partie).

     

  • La pratique du pâturage des intercultures hivernales par les ovins se révèle respectueuse de l’environnement à de nombreux égards (alternative au glyphosate, suppression de passage mécanisé pour le broyage des couverts) et des sols (fertilisation organique à travers la transformation de biomasse en matière organique via les déjections des moutons, piétinement « pied de mouton »).

  • La pratique pourrait être reproduite à plus large échelle, en mettant en contact d’avantage de cultivateurs et éleveurs, non seulement au niveau wallon, mais aussi au niveau européen, afin de valoriser au mieux les intercultures.

  • Les cultures de couverture sont encore largement perçues comme des cultures obligatoires et non comme des cultures de service bénéfiques au système agricole. De ce fait, elles ont principalement composées d’une ou deux espèces et la plupart d’entre elles sont détruites à la fin de la saison au lieu d’être utilisées.

     

    Leur donner de la valeur grâce au pâturage des moutons pourrait être une opportunité économique, agronomique et environnementale pour les éleveurs de moutons et de grandes cultures.

     

    Il existe de nombreuses autres interactions possibles entre les moutons et les cultures de couverture. Un ensemble d’interactions agronomiques, économiques et environnementales, en interrogeant les agriculteurs et par le biais d’essais sur le terrain doivent encore être clarifiées

     

    Sur le plan social, les interactions entre éleveurs de moutons et de grandes cultures sont également complexes: outre le manque de relations entre ces deux types d’agriculteurs, les agriculteurs de grandes cultures attribuent une forte valeur émotionnelle à leurs terres et ont souvent l’impression de "donner un cadeau" aux éleveurs de moutons. Etape par étape, il s’agira de développer des outils permettant aux éleveurs de moutons et de grandes cultures d’établir des partenariats innovants et gagnant-gagnant. L’une des conditions d’un tel partenariat est de changer la prise en compte des cultures arables par la culture de couverture: demain, avec une vision plus diversifiée, les éleveurs de moutons seront considérés comme des partenaires égaux et la culture de couverture comme une culture de service avec une réelle valeur ajoutée par le pâturage des moutons.

     

    Recréer un lien entre l’élevage et les grandes cultures répond à une préoccupation agro-écologique actuelle. Retisser le lien entre les ovins et les cultures est synonyme de re-développement des liens sociaux entre les différents types d'agriculteurs.

     

  • cyril.regibeau@collegedesproducteurs.be ou téléphone +32 (0)81 240 446 

    Réseau wallon de développement rural : info@reseau-pwdr.be ou téléphone : +32 19 54 60 51

     

  • Pâturage des intercultures et cultures dérobées par les ovins.pdf