Biométhanisation à la ferme

Une enquête menée par Valbiom en 2012 ( Energie & Agriculture : Synthèse des résultats des diagnostics énergétiques réalisés dans les exploitations agricoles wallonnes, C Mignon, Valbiom, 2012) a montré que les postes énergétiques les plus importants en agriculture étaient ceux du carburant et des engrais, ainsi que des aliments pour l'élevage. Les consommations électriques ne viennent généralement qu'en 4e, 5e ou 6e position. Face à cette situation, les économies d'énergie se concentrent sur quelques solutions relativement faciles à mettre en place et portant sur les équipements de traite ou de séchage. Un fort potentiel d'économie réside également dans l'utilisation des engins, leur dimensionnement et leur entretien. Des guides intéressants ont été rédigés à ce sujet par Valbiom et le CRAw.

Les énergies renouvelables ne sont donc pas d'un très grand secours pour réduire la dépendance énergétique des fermes, par contre elles offrent une diversification des revenus agricoles fort utile face aux fluctuations des marchés purement agricoles : l'éolien et le photovoltaïque permettent de rentabiliser des surfaces et des expositions dont les agriculteurs sont généralement bien pourvus. Le CER de Marloie et le Réseau wallon de Développement rural ont établi des fiches à ce sujet (lien).

Dans ce contexte, la biométhanisation occupe une place tout à fait particulière : outre la production régulière et prévisible d'électricité, elle fournit de la chaleur et surtout un produit de qualité : le digestat. Ce digestat est hygiénisé et désodorisé. L'azote qu'il contient est partiellement minéralisé et plus facilement utilisé par les cultures, donc moins sujet au lessivage. La biométhanisation apporte bien d'autres avantages qui mériteraient un plus long article (à paraître sous peu).

Hélas, le secteur de l'énergie est « sous tension » en Wallonie : les spéculations sur le photovoltaïque ont érodé le prix des certificats verts, de nouvelles taxes d'injection de l'électricité produite dégradent la rentabilité, la concurrence sur les déchets méthanisables est féroce… C'est ainsi que les méthaniseurs à la ferme installés en Wallonie (une quinzaine, contre près d'une centaine en Flandre) ont dû réclamer un soutien urgent pour leur permettre de continuer à produire.

 

Rencontre du Ministre Di Antonio et de la Fédération des Biométhaniseurs à Surice, septembre 2013

 

Pourtant des solutions peuvent facilement être mobilisées pour améliorer cette filière porteuse d'emplois, de revenus et de bienfaits agronomiques : elles concernent la valorisation de la chaleur, la valorisation du digestat, l'amélioration de l'autonomie des exploitations agricoles, la valorisation des fumiers.

1. Valorisation de la chaleur.

Les pistes actuelles sont généralement le chauffage domestique par un petit réseau de chaleur et parfois le séchage (essentiellement de bois ou de foin). Pourtant d'autres solutions sont à l'étude et parfois déjà appliquées. Ainsi les GAL « Pays des Condruses » et « Burdinale-Mehaigne » ont étudié des sites ( Etudes du potentiel d'installation d'unités de biométhanisation sur le territoire du Pays Burdinale Mehaigne) où la valorisation de la chaleur serait beaucoup plus intéressante (home, hôpital et autres collectivités). Le GAL « Pays des Condruses » cherche également à mettre sur pied une coopérative citoyenne d'appui à la biométhanisation. Cette entité pourrait apporter une aide pour financer un projet, mais pourrait aussi se mobiliser pour consommer la chaleur produite. Une coopérative de ce genre a été créée en 2012 à Malempré (lien) autour d'un réseau de chaleur alimenté par de la biomasse.

2. Valorisation du digestat.

Actuellement le digestat est toujours considéré comme un déchet ne pouvant être épandu sur des terres que sous certaines conditions. La fraction importante d'azote minéralisé qu'il contient n'est pas reconnue comme telle et sa valorisation comme fertilisant est donc fortement limitée. Pourtant ce produit pourrait se substituer aux engrais chimiques, notamment azotés, responsables d'émissions de CO2 et permettre ainsi d'économiser plusieurs centaines d'euros par hectare chaque année.

3. Amélioration de l'autonomie des fermes.

 

L'utilisation des lisiers dans des petites installations est devenue économiquement possible grâce au « système de compensation ». Comme avec le photovoltaïque : si la puissance de l'installation est inférieure à 10 kW, il est possible de faire « tourner à l'envers » son compteur électrique et de recevoir un certificat vert pour chaque MWh électrique produit. Des installations de ce type n'existent guère qu'en Belgique : actuellement 3 en Wallonie et plus d'une cinquantaine en Flandre. Le GAL « Transvert » (www.transvert.be) a organisé la visite d'une telle installation en septembre dernier ( voir fiche technique). Le ministre de l'agriculture est sur le point de proposer un système de soutien et d'encadrement spécifiquement pour ces installations (contact : melissa.pistidda@gov.wallonie.be). Toutefois ce genre de dispositif n'est intéressant que si l'électricité produite correspond à celle qui est consommée sur la ferme ; de plus la chaleur peut difficilement être valorisée.

 

Visite d'une micro-méthanisation organisée par le GAL Transvert, septembre 2013

 

4. La valorisation des fumiers.

Les biométhanisations actuelles ne fonctionnent bien qu'avec des matières passablement liquéfiées et les fumiers contenant plus de 20% de matière sèche ne conviennent pas aux digesteurs classiques. Or des systèmes ont récemment été développés pour pouvoir utiliser ce genre de produit dans des containers, des fosses ou des garages ( La biométhanisation discontinue
en voie sèche, Projet RURALAND, FRW, 2012). Le Réseau rural va organiser cet hiver une visite en France de plusieurs installations fonctionnant depuis 2012 avec ce genre de procédé.

La biométhanisation est certainement un enjeu crucial pour l'agriculture wallonne. Des aides sont proposées pour soutenir les investissements ( Biométhanisation : Les aides et démarches en Région Wallonne, C Mignon, Valbiom, 2012)  et des démarches innovantes se mettent en place tant au plan technique que sociétal. Une fédération des biométhaniseurs a été créée en septembre dernier en vue de défendre cette filière et offrir un réseau d'information aux agriculteurs. Dans le même esprit, un « Club Meth » réunit différents acteurs de cette problématique : techniciens, encadreur, ensembliers, animateurs, chercheurs. Ce Club s'est attelé à écrire un mémorandum de soutien de la biométhanisation à la ferme qui sera disponible pour la fin de cette année.

 

Pour en savoir plus :

Comprendre la biométhanisation... EDORA, en collaboration avec Valbiom, 2012